Rester disponible à une Annonciation
Chronique de Bernard Ginisty du 8 juillet 2024
En 2016, l’écrivaine et théologienne Marion Muller-Colard publiait un ouvrage intitulé L’intranquillité (1). Aux obsédés du principe de précaution, cette mère de famille rappelait que si Dieu arrive au monde comme un nouveau-né, son projet ne peut-être de nous préserver du risque et de l’inquiétude « Avec l’Evangile, comme avec toute naissance, commence l’irréductible intranquillité ». En effet, écrit-elle, « Donner la vie équivaut à donner la mort » (2), puisque seuls ceux qui sont nés « risquent » de mourir ! On peut passer sa vie et la perdre à chercher tous les moyens d’échapper à cette intranquillité . « Ce qui me permet de suivre aujourd’hui Jésus comme un Maître, c’est précisément qu’il ne promet pas l’évitement du risque. Au mitan de ma vie, je me rallie au scandale de l’Evangile. Je ne suis plus en mesure de suivre quelque système de pensée, de croyance, ni même de système politique qui me réconforteraient de vérités définitives » (3).
Ce petit ouvrage d’une centaine de pages a connu une diffusion importante qui amène aujourd’hui son auteur à nous en proposer une nouvelle édition (4) qu’elle justifie ainsi dans ce propos liminaire : « Je ne suis plus seule au moment d’écrire l’avant-propos de cette nouvelle édition : j’ai souri à lire tous ces courriers venus des intranquilles qui s’étaient reconnus là même où je me dévoilais (…) Le temps est venu où l’intranquillité n’est plus le signe particulier de quelques âmes complexes plus sujettes que d’autres au doute et à l’étonnement. L’intranquillité est devenue une pandémie, une affaire politique qui ne touche pas seulement nos êtres intimes mais notre façon d’être ensemble. Comment vivre avec elle non plus seulement nos vies mais notre vie commune ? Peut-être en élargissant encore cette communion naissante des intranquilles » (5).
Marion Muller-Colard dénonce cette obsession maladive de tout contrôler, traduite par « l’expression « être fixé » qui nous cloue au mur de nos projets et annule l’infinité des possibles. (…) Or l’Inédit arrive, et on appelle cela une Annonciation. Là, il n’est plus question d’appartenir, de reproduire, de suivre des lignes. Il s’agit d’un face-à-face, droit dans les yeux, sans mère ni soeur ni chef ni groupe pour répondre à sa place » (6). Le christianisme est l’annonciation d’une incarnation, « une plongée inconditionnelle dans la complexité du monde et de l’âme humaine, sans tenter de nous y soustraire, de la résoudre ou de la contourner (…) Tout le reste est religion : recette, fixation, déni de l’insondable diversité du monde. Finalement, le scandale que représente l’Evangile est sans doute d’être la parole qui frustre et contrarie le désir religieux de l’homme » (7).
Face à la crise que nous vivons, il est parfois de bon ton de mettre en cause « l’oubli » du Dieu des religions. Dans son ouvrage incisif, le philosophe Fabrice Haddad remarque : « Lorsqu’après des attentats islamistes, un évêque catholique ose dire que la cause du mal, c’est que les hommes ont oublié Dieu, on peut trouver son argumentation un peu courte. Sommes-nous encore principalement confrontés à l‘athéisme ? D’ailleurs, Jésus lui-même s’est-il principalement confronté à des athées ? Non pas, mais à des religieux, à des pharisiens, à des docteurs de la loi qui brandissaient le Nom de Dieu à tout bout de champ. (…) Notre époque est plutôt celle d’un retour du divin. Mais de quel divin s’agit-il ? » (8).
Au cours de sa courte vie, le Christ a cherché à éveiller l’homme enfermé dans sa justice, sa loi, son malheur, sa tradition, sa nation, ses appartenances. Cet éveil a suscité, dans un premier temps, une fascination pour celui qui en est le messager. Loin de vouloir l’exploiter à son avantage, le Christ n’a cessé de casser cet enchantement pour renvoyer chacun à son itinéraire. A des disciples paniqués par l’annonce de la mort de celui dont ils voudraient faire un gourou, le Passeur de Pâques affirme : « C’est votre avantage que je m’en aille ; en effet, si je ne pars pas, l’Esprit ne viendra pas en vous ; si, au contraire je pars, je vous l’enverrai » (9). Cette liaison entre l’effacement du messager de la « bonne nouvelle » et la venue de l’Esprit constitue le fondement de toute relation éducative, psychologique et spirituelle. Le surgissement de l’Esprit dans les flammes de la Pentecôte ne peut se faire qu’après la déception surmontée de ceux qui pensaient que la proximité avec un maître spirituel les dispenserait de se risquer eux-mêmes dans la liberté de l’ Esprit.
- Marion MULLER-COLARD : L’intranquillité, éditions Bayard, 2016,
- Id. page 51
- Id. pages 78-79
- L’intranquillité, éditions Bayard, 2022.
- Id. pages 9-10
- Id. pages 43-45
- Id. pages 77-78
- Fabrice HADJADJ :L’aubaine d’être né en ce temps, éditions Emmanuel, 2022, page 53
(9) Evangile de Jean, 16, 7
L’universalisme de la Pentecôte face aux replis identitaires religieux
Chronique de Bernard Ginisty du 16 mai 2014
Les conflits les plus meurtriers qui font notre actualité ont un point commun : ils se justifient de plus en plus au nom du dieu des religions du sol et de la race.
Déjà, en 2010, en réaction à l’intervention de l’armée d’ Israël dans les eaux internationales contre des navires qui apportaient une aide humanitaire à Gaza, Régis DEBRAY publiait un ouvrage sous forme de lettre ouverte à Elie Barnavi, historien israélien et ancien ambassadeur d’Israël en France (1). Il y soulignait le parallèle des attitudes des Etats Unis d’Amérique et d’Israël vis-à-vis du droit international : « L’Amérique, c’est un grand Israël qui a réussi. Israël est une petite Amérique qui est à la peine, mais les deux ont pour point commun de n’avoir de comptes à rendre à personne – qu’au Très-Haut » (2). Nul doute que l’intégrisme religieux ne soit aujourd’hui une des sources majeures de conflits comme le note encore Régis Debray : « On s’islamise côté Palestine ; on se judaïse côté Israël (en miroir, sinon avec les mêmes effets). L’identité de chaque antagoniste flottait entre chien et loup, le loup se précise. Ce n’est plus une querelle de mouvements nationaux pour une terre en dispute, mais entre deux blocs de foi, pour l’honneur de Dieu » (3). Ainsi la rupture fondamentale passe moins entre des camps opposés, qu’au sein de chaque camp. C’est ce qu’affirme Elie Barnavi au terme de sa réponse à Régis Debray : « Oui, il y a bien deux Israël. Le mien, tourné vers le monde, séculier et rationnel ; et l’autre, idolâtre, centré sur une terre divinisée et prisonnier de croyances archaïques dont il fabrique une idéologie étrangement moderne, étrangère au sionisme classique comme au judaïsme rabbinique. Entre les deux, il n’y a pas de compromis possible » (4).
Devant l’échec de son « opération spéciale » en Ukraine, Vladimir Poutine embrigade la hiérarchie de l’Eglise orthodoxe russe. Dans un récent article publié par le journal La Croix, Jean-François Colosimo écrit : « Dans l’empire du potentat Poutine et du pontife Kirill un prêtre qui prie pour la paix est un parjure. Il se condamne à être traité en apostat, cet équivalent religieux du traître politique. C’est ainsi que depuis l’invasion de l’Ukraine, la chasse aux voix dissidentes qu’a décrétée l’Etat se déploie avec rage dans l’ Eglise » (5) . Il cite l’exemple du père Ioann Koval qui vient de subir un vrai procès stalinien qui l’a défroqué pour avoir changé un mot de cette nouvelle invocation liturgique imposée par Kirill : « Voici que la bataille est engagée contre la Sainte Rus’ pour diviser son peuple indivis. Lève-toi, ô Dieu de la force, afin de le secourir et accorde nous la victoire par ta puissance ». Ioann Koval, pour qui la référence est l’évangile et non pas les rêves impérialistes de Vladimir Poutine, a changé le mot « victoire » par le mot « paix ». Pour avoir appelé à la paix, le tribunal ecclésiastique a jugé que le père Koval « a violé son serment d’obéissance inconditionnelle à la hiérarchie de l’ Eglise en émettant une opinion incompatible avec le sacerdoce » !!!
Jean-François Colosimo conclut : « Après tant d’autres prêtres injustement destitués, Ioana Koval peut espérer, s’il réussit à s’exiler, voir son sacerdoce être restauré par le Patriarcat oecuménique de Constantinople. En attendant, la Russie est vidée peu à peu des ressources spirituelles qui lui permettraient aujourd’hui de résister et, demain, de se régénérer »(6)
La liaison mortelle du spirituel, du religieux et du national a conduit le Christ à la mort. A des disciples qui, à la veille de l’Ascension , attendent enfin la concrétisation de leur plan de carrière : « Est-ce maintenant que tu vas rétablir le Royaume pour Israël » (7), les derniers mots du Christ seront de les inviter à « recevoir une puissance, celle de l’Esprit qui viendra sur vous » pour témoigner « jusqu’aux extrémités de la terre » (8). L’événement de la Pentecôte va se manifester par la capacité de tout être humain, quelle que soit sa langue maternelle, d’accueillir l’Esprit. La confiscation du spirituel par une caste nationaliste ou sacerdotale est abolie : « Je répandrai de mon Esprit sur toute chair, vos fils et vos filles seront prophètes » (9). Certes, l’histoire montre la tentative toujours recommencée des institutions religieuses et nationales de récupérer cette liberté de l’Esprit. Mais, elle témoigne aussi de sa renaissance permanente qui bouscule les laborieux efforts des pouvoirs pour colmater la brèche radicale ouverte par la Pâque du Christ et proclamée à la Pentecôte. C’est ce qu’a su exprimer, avec passion, Maurice Clavel : « Fameuse annonce qu’il n’y a plus de Grecs, ni Juifs, ni Romains, ni barbares, ni esclaves (…).C’est fait. Ce ne sera jamais fini, mais c’est fait. En langage familier, c’est parti. Il n’y a plus de nations ni de religions ni de races, mais enfin des individus absolus, seule Humanité. Nous sommes tous nés ce jour là » (10).
- Régis DEBRAY : A un ami israélien, avec une réponse d’Elie BARNAVI, éditions Flammarion Paris 2010.
- Id. Page 96
- Id. Page 83
- Id. Page 156
- KIRILL est le Patriarche de l’Eglise orthodoxe russe
- Jean-François COLOSIMO est Directeur des éditions du Cerf. Il a publié en 2022 :La Crucifixion de l’Ukraine : Mille ans de guerres de religions en Europe, éditions Albin Michel.
- Actes des Apôtres, 1,6
- Evangile de Jean 16,7
- Actes des Apôtres 2,17
- Maurice CLAVEL (1920-1979) : Ce que je crois, éditions Bernard Grasset, 1975, page 286
Éloge du « Bref » et des commencements
Chronique de Bernard Ginisty du 28/04/2024
Je ne saurais trop conseiller à notre président de la République, atteint parce qu’on appelle dans les milieux ecclésiastiques la « concupiscence de la chaire », de lire et méditer le dernier ouvrage de l’octogénaire Régis Debray intitulé : Bref. Il présente ainsi son petit recueil d’aphorismes :
« On ne s’attarde plus trop, une fois l’âge venu. On cesse de gaspiller. On écourte. (…) Avouons-le : on fuit l’interminable quand on est pris par le sommeil dès qu’on voit l’orateur grimper à la tribune avec une liasse en main, promesse d’un somme réparateur. Les yeux et les oreilles se ferment, mais se rouvriront une heure après pour aller en pleine forme confier au profus notre admiration ».
Pour Régis Debray, une vie prend son sens en allant vers « le simple ». Mais, écrit-il, c’est compliqué de faire simple. Cela demande toute une vie : « Qu’il faille à un individu autant d’années pour devenir jeune, que de maîtres pour se passer de maîtres, cette contrainte se découvre un peu tard. Le « triomphe de la jeunesse » n’arrange rien ». Et il constate « Jeune trop tard et vieux trop tôt ? C’est si difficile d’avoir son âge » Il définit ainsi l’itinéraire : « Le cours de notre vie. S’interroger d’abord sur le pourquoi des choses. Se soucier ensuite du comment. A la fin, chercher de quoi il s’agissait ».
Pour cela, il convient de retrouver l’inspiration qui nous a mis en route, neutralisée par les dissertants : « La poésie déchoit en « poétique », les convictions en phraséologie, l’instinct guerrier en polémologie, le désir sexuel en sexologie etc. On complique, le simple, à la longue. Quand s’en va l’inspiration, arrive la dissertation ».
Dans l’apologue qui ouvre un de ses derniers ouvrages, Ainsi parlait Zarathoustra, Nietzche évoque ainsi l’odyssée de l’être humain : “comment l’esprit devient chameau, et lion le chameau et pour finir, enfant le lion ” L’esprit se charge d’abord, tel un chameau, de quantités de pesanteur pour traverser le désert. Advient dans le désert la métamorphose du chameau en lion par assimilation de ces pesanteurs. Reste alors la dernière métamorphose : “ Mais dites mes frères, que peut encore l’enfant que ne pourrait aussi le lion ? Pourquoi faut-il que le lion ravisseur encore se fasse enfant ? Innocence est l’enfant, et un oubli et un recommencement, un jeu, une roue qui d’elle-même tourne, un mouvement premier, un saint-dire Oui ”
Dans ce texte frémissant oscillant entre la foi en un mouvement premier de naissance et l’éternel retour du même, Nietzsche atteint une des plus radicales questions de l’évolution de l’être humain. Par-delà les quantités que nous portons par peur du désert, au-delà de nos affirmations sociétales de lion, c’est l’enfant en nous qui constitue le terme d’une aventure humaine. Et les grands spirituels de toutes les traditions ont insisté sur cette seconde naissance.
Cet appel à rester disponible au lieu de s’enfermer dans des dogmes, des rites ou des institutions est le fondement de toute prière comme l’exprime avec bonheur le fondateur, dans le judaïsme, du mouvement hassidique au XVIIe siècle, le Baal-Shem Tov : “ Si nous ne croyons point que Dieu renouvelle chaque jour l’œuvre de création, alors l’action de prier et d’accomplir les commandements devient vieille et machinale et lassante pour nous. Ainsi qu’il est dit dans le livre des Psaumes : « Ne me rejette pas, aux jours de la vieillesse », c’est-à-dire : fais que mon monde ne devienne pas vieux pour moi. Et dans le livre des Lamentations nous lisons : « Elles sont neuves chaque matin, grande est ta fidélité. » Que chaque matin, le monde devienne neuf pour nous, voilà ta grande fidélité ».
Le « simple », le « bref » caractérise l’acte de naître. Aussi, comme l’écrit Maurice Bellet : « Le progrès se fait – selon la loi de toutes les grandes choses humaines – non en ajoutant et en ajoutant encore à l’acquis, mais par une reprise héroïque de la primitive ouverture, pour que cette naissance soit aujourd’hui dans toute sa force »
1Régis DEBRAY : Bref,éditions Gallimard 2024
2Id. page 12
3Id. page 47
4Id. page 35
5Id. page 50
6Friedrich NIETZSCHE « Ainsi parlait Zarathoustra » in Œuvres philosophiques complètes tome VI Ed. Gallimard, p.37-38.
7Martin BUBER, Vivre en bonne entente avec Dieu selon le Baal-Shem-Tov, éditions du Rocher, Paris, 1991, p. 45.
8 Maurice BELLET : L’Église morte ou vive Desclée de Brouwer, 1991p.50
La « solidarité des ébranlés » face à la prolifération des nouvelles croisades
Chronique de Bernard Ginisty du 14 avril 2024
L’actualité remet en scène, depuis quelques temps, la lutte du Bien contre le Mal comme justification de la violence ou de l’exclusion. L’impérialisme russe de Wladimir Poutine s’appuie sur la hiérarchie de l’Église orthodoxe qui dénonce « la décadence occidentale ». Les Églises évangéliques américaines soutiennent les dérives de Donald Trump. Des pouvoirs islamiques persécutent les sociétés civiles de leur pays au nom de l’Islam et des lectures fondamentalistes de la Bible justifient les violences de colons israéliens contre les palestiniens.
Ce manichéisme simpliste est porteur d’inhumanité. Un point commun entre la démarche démocratique et la démarche spirituelle réside dans le refus de cette opposition sommaire qui permet d’identifier son adversaire au Mal. Vivre la démocratie, c’est faire place à l’autre, à l’opposant, car on pose en principe qu’on partage avec lui la même dignité humaine et la capacité d’évoluer. Ce qui veut dire que même majoritaire, personne n’a le monopole du vrai et du bien. De même, la vie spirituelle nous apprend à reconnaître en nous le mal que nous sommes plus enclins à dénoncer chez l’autre pour commencer à le combattre en nous.
Il est évident qu’il n’y a pas de compromis possible entre les deux entités abstraites du Bien et du Mal. Nous sommes tous des êtres humains bien concrets, avec leurs ambiguïtés car traversés chacun par le Bien et le Mal. C’est ce qui fonde le refus de la violence et l’effort de poursuivre inlassablement le dialogue. Certes, l’attitude de légitime défense existe et il y a des violations intolérables des droits de l’homme qui exigent de réagir. Mais, à aucun moment, même dans la lutte, l’autre ne saurait être réduit à la caricature du mal, ce qui justifie alors les pires aveuglements. Le philosophe allemand Peter Sloterdijk écrit ceci : « Notre travail de civilisation commence ici : reformuler un code de combat impliquant le souci de l’ennemi. Qui ne veut pas être responsable d’un ennemi a déjà cédé à la tentation du pire. Vouloir être responsable de son ennemi : ce serait le geste primordial d’une éthique civilisatrice des conflits »
Le 14 mai 1984 était lu à l’Université du Mirail à Toulouse le discours de Vaclav Havel, alors en prison, pour la remise du diplôme de docteur honoris causa. Dans ce texte intitulé « La politique et la conscience », il évoqua Jan Patocka, philosophe tchèque, porte-parole des militants de la Charte 77 , mort après un interrogatoire de police sous la dictature communiste
« En parlant de la Charte 77, Jan Patocka employait la notion de « solidarité des ébranlés ». Il pensait à ceux qui osaient résister au pouvoir impersonnel et lui opposer la seule chose dont ils disposaient : leur propre humanité. La perspective d’un avenir meilleur pour le monde ne réside-t-elle pas dans une communauté internationale des ébranlés, une communauté qui, sans tenir compte des frontières nationales, des systèmes politiques et des blocs, demeurant en dehors du grand jeu de la politique traditionnelle, n’aspirant ni aux fonctions ni aux secrétariats, tentera de faire une force politique réelle de la conscience humaine, ce phénomène tant décrié à présent par les technologues du pouvoir ? »
La spiritualité, l’éthique et la raison font partie du socle de la civilisation occidentale. Ces valeurs fondamentales se sont incarnées à travers trois figures : celle de Jésus qui est tué par la « sainte alliance » du Grand-Prêtre, du roitelet local et du représentant de l’empire romain, celle d’Antigone tuée par son père pour avoir bravé son interdiction de donner une sépulture digne au fils rebelle, celle, enfin de Socrate condamné à mort par le pouvoir politique sur l’accusation de « corrompre la jeunesse » en l’ouvrant à la liberté de penser.
Jan Patocka écrivait qu’un homme libre est celui qui sait pour quelles valeurs il est prêt à risquer sa vie et non pas à massacrer celle des autres. Alexeï Navatny, mort à 48 ans dans le goulag sibérien, est la plus récente illustration de cette liberté.